Yvona d’après Witold Gombrowicz mis en scène par Elizabeth Czerczuk
Consacrée à l’écrivain polonais Witold Gombrowicz, la première édition du Festival des Formes Radicales aura lieu du 17 au 20 octobre, au Théâtre Elizabeth Czerczuk (T. E. C.) à Paris. En ouverture de ce nouveau rendez-vous de l’expérimentation théâtrale, la directrice du T. E. C. crée Yvona, un spectacle librement inspiré d’Yvonne, Princesse de Bourgogne.
Pouvez-vous revenir sur le projet artistique que vous défendez, depuis maintenant deux ans, au sein de votre théâtre ?
Elizabeth Czerczuk : Le T. E. C. est un lieu que j’ai voulu à part, un lieu ouvert et totalement modulable, en dehors des codes et du temps, au sein duquel prend corps un art théâtral total, c’est-à-dire un art de recherche mêlant divers domaines de la création : la peinture, la musique, le chant, la chorégraphie, la scénographie… Cela, à travers des formes toujours singulières, qui instaurent une relation forte et active avec les spectateurs, une relation leur permettant de convoquer en eux une puissance vitale et créatrice. J’aimerais que les expériences qu’ils vivent lors de ces propositions théâtrales et chorégraphiées les aident à poursuivre leur existence une fois sortis du théâtre, qu’elles leur donnent un nouveau souffle. Comme si le théâtre pouvait être une forme de purification.
Pourquoi avez-vous choisi de consacrer la première édition du Festival des Formes Radicales à Witold Gombrowicz ?
E.C.: Parce que son écriture est l’une de mes grandes sources d’inspiration. Witold Gombrowicz n’a cessé, durant sa vie, de dénoncer les formes aliénantes : son œuvre entière se lit comme une injonction à la création de formes singulières. L’idée de ce Festival des Formes Radicales est d’ouvrir les portes de notre lieu à des artistes qui, comme moi, s’expriment à travers des créations en dehors des règles et des conventions. Des créations radicales et immersives qui résistent, comme le disait Witkiewicz, à la « moutonnisation définitive ».
« DES CRÉATIONS RADICALES ET IMMERSIVES QUI RÉSISTENT, COMME LE DISAIT WITKIEWICZ, À LA « MOUTONNISATION DÉFINITIVE. »
Dans Yvona, quelle lumière portez-vous sur Yvonne, Princesse de Bourgogne ?
E.C.: Mon spectacle s’inspire librement d’Yvonne, Princesse de Bourgogne, mais aussi d’une autre pièce de Gombrowicz, Opérette, ainsi que de son Journal. Pour moi, Yvonne n’est pas une femme faible, laide, molle, comme elle est souvent présentée sur scène, mais un être qui incarne la force de la dénonciation, de la provocation, de la révolte. Elle représente une vie authentique, des sensations profondes et, d’une certaine manière, une sorte de folie cachée en nous qui voudrait nous délivrer des schématismes sociaux. Yvonne souhaite non seulement briser, par sa candeur, la structure pétrifiée des réflexes humains, mais elle tente aussi de s’opposer à la domination absolue de la supercherie, de la perversité et de l’hypocrisie du monde. Sa personnalité contient un élément irrévocable, quasi-mystique, voire religieux.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat