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« Le Cri d’Yvona » d’Elizabeth Czerczuk, dialogue avec Gombrowicz

yvona

THÉÂTRE ELIZABETH CZERCZUK / D’APRÈS YVONNE,

PRINCESSE DE BOURGOGNE,

DE WITOLD GOMBROWICZ / MISE EN SCÈNE ET

CHORÉGRAPHIE D’ELIZABETH CZERCZUK

Fidèle à son geste artistique qui consiste en une création continue, Elizabeth Czerczuk poursuit son dialogue avec Gombrowicz et explore le mutisme d’Yvona, paria du royaume de Bourgogne…

Pourquoi ces retrouvailles avec Yvona ?

Elizabeth Czerczuk : Il ne s’agit pas d’une recréation : pour moi, la création est continue. On évolue, on apporte un nouveau souffle à chaque représentation. L’essence du spectacle vivant est de se réinventer chaque fois. A l’instar de notre corps, dont les cellules se régénèrent sans cesse, ou de notre psyché toujours mouvante, notre interprétation et notre vision du spectacle fluctuent. En 2019, j’avais pris pour titre Yvona. J’y ajoute aujourd’hui la mention de son cri, comme un symbole d’une radicalité et d’une expressivité accrues. La princesse martyre est depuis des années le fil rouge de mon travail artistique. J’ai joué ce rôle dès mon spectacle de fin d’études en Pologne ; j’ai travaillé la pièce avec les élèves de l’école du Théâtre de Chaillot ; je l’ai reprise après avoir créé le Théâtre Laboratoire, puis en 2019, et enfin aujourd’hui.

« LA PRINCESSE MARTYRE EST DEPUIS DES ANNÉES LE FIL ROUGE DE MON TRAVAIL ARTISTIQUE. »

Pourquoi une telle fidélité ?

E. C. : Parce que le mutisme d’Yvona m’a toujours interrogée. Gombrowicz considère que tout ce qui n’est pas domestiqué et ordonné est indicible et condamné au mutisme. Ce mutisme me fascine et je lui cherche la forme la plus adéquate. Non seulement par la gestuelle, mais aussi par le verbe, lequel ne passe pas forcément par la parole : sous la torture des conventions et des quolibets, le cri de la victime effrayée est aussi celui d’un être qui cherche à naître. Chez Gombrowicz, Yvona se distingue des autres princesses par sa rébellion. En l’exhibant devant la cour tel un miroir, le prince l’expose à la haine de ceux dont elle devient le reflet : le monde ainsi déstabilisé ne peut que chercher à l’anéantir. Sans pour autant m’opposer à mon aîné, je trouve dans l’attitude de notre commune héroïne un matériau dramatique digne d’être sculpté, ciselé, pour aboutir à une forme radicale susceptible de rendre évident le sens emprisonné dans le silence d’Yvona.

Que se passe-t-il d’autre au T.E.C. ?

E. C. : Nous préparons la troisième édition du festival des Formes Radicales, qui aura lieu du 7 au 10 décembre, avec le concours d’artistes de toutes les disciplines (danse, théâtre, arts plastiques, etc.) à des installations, des spectacles et des concerts. Le festival commence le 7 décembre avec Amok, librement inspiré d’Antonin Artaud, étape initiale d’un nouveau processus de création dont la grande première aura lieu au printemps 2024. Nous reprenons aussi en novembre prochain Aujourd’hui, c’est mon anniversaire, spectacle monté d’après la dernière partition de Tadeusz Kantor. Et nous continuons évidemment les classes de maître, dans le cadre du Laboratoire d’Expression Théâtrale. Sans parler d’un hommage à Sarah Bernhardt, pour le centenaire de son décès.

Propos recueillis par Catherine Robert

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